Etude géochronologique du volcanisme de la Martinique

Aurélie Germa, Xavier Quidelleur et Pierre Lahitte

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L'arc insulaire des Petites Antilles, long de 850 km, est une marge active issue de l'affrontement de la plaque Caraïbes sous laquelle sont subductées les les croûte Amériques, à un taux relativement faible (2 cm / an), avec un angle de plongement pouvant atteindre 50°. Il s'agit d'un arc "double": à l'Est, l'arc ancien se met en place depuis la base de l'Eocène (?) jusqu'au milieu de l'Oligocène (?): au nord de la Martinique, les traces de cet arc constituent les Antilles calcaires. La subduction aurait été modifiée à la fin de l'Oligocène, impliquant une fissuration NW-SE et du volcanisme associé constituant l'arc intermédiaire. L'arc récent émerge au début du Pliocène et poursuit son activité de nos jours. Il est décalé jusqu'à 50 km au niveau de Saba, à l'ouest des Antilles Calcaires. La Martinique (61°O, 14°N) est l'île qui a enregistré l'histoire la plus complète car les produits des deux arcs y affleurent.

 

1) En Martinique, les produits de l'arc ancien (gris) affleurent sur les péninsules de La Caravelle (est) et de Sainte Anne (sud-est). Nous avons contraint cette activité 25 et 20 Ma.
2 - 3) Ensuite le front volcanique s'est déplacé légèrement vers l'ouest. Une chaîne sous-marine s'est édifiée entre 17 et 8 Ma (Chaîne Vauclin-Pitault, violet) puis a émergé pour construire la presqu'ile de Trois Ilet jusqu'à 7 Ma (Volcanisme du Sud-ouest, vert).
4) Les volcans monogénique de Trois-Ilets ont été actifs de 2.4 à 0.34 Ma (orange).
5) Le Morne Jacob (bleu foncé, voir plus loin) est un volcan bouclier qui a émergé vers 5.5 Ma et a été actif jusqu'à 1.5 Ma.
6) Le complexe du Carbet a commencé à se construire sur le flanc ouest du Morne Jacob il y a 1 Ma environ. Un effondrement de flanc a affecté tout son flanc ouest et a été immédiatement suivi de l'éruption des Pitons du Carbet dans la dépression.
7 - 8) Le Mont Conil (bleu clair) a émergé il y a environ 550 ka. Depuis, l'activité volcanique n'a jamais vraiment cessé dans le bloc septentrional de l'île. Vers 126 ka, un effondrement de flanc a détruit environ 25 km3 de l'édifice, puis l'activité volcanique de la Montagne Pelée (rose) proprement dite s'est centralisée dans la dépression formée. Depuis 126 ka, le volcan actif de l'île a connu 2 autres effondrements de flanc. Les deux dernières éruptions magmatiques qu'elle a connues ont eu lieu en 1902-1904 et 1929-1932.

L'activité de l'arc récent depuis 5 Ma

Le volcan du Morne Jacob: le plus grand édifice volcanique des petites Antilles

Le premier stade de construction du Morne Jacob (bleu clair) est constitué de basaltes tholéiitiques. Les âges K-Ar contraignent l'activité de cette phase entre 5.5 et 2.2 Ma. A partir de 2.2 Ma, un phenomène de creeping semble avoir affecté le flanc nord de l'édifice qui "s'étale" lentement vers le nord-est. Cette déformation lente aurait déformé l'édifice et déplacé la charge qu'il exerce sur la croûte. Ainsi le centre du volcan aurait "perdu" de la masse, permettant aux magmas plus denses, donc plus basiques, de remonter plus facilement vers la surface. Ainsi, la deuxième phase d'activité, de 2.1 à 1.5 Ma (bleu foncé), voit se mettrent en place des laves andésitiques calco-alcalines, qui sont de moins en moins acides, avant de retrouver une évolution "normale" vers des laves plus évoluées.

Détails:

  • Germa A., Quidelleur X , Labanieh S, Lahitte P. and Chauvel C, 2010. The eruptive history of Morne Jacob volcano (Martinique Island, French West Indies): geochronology, geomorphology and geochemistry of the earliest volcanism in the recent Lesser Antilles arc. J. Volcanol. Geotherm. Res., 198, 297-310.

Reconstruction de l'histoire éruptive de l'ensemble de la Martinique

 

Géomorphologie quantitative: calcul des taux de construction et d'érosion

Afin de mieux comprendre l'évolution temporelle d'un édifice volcanique, il est important de quantifier les volumes émis et érodés/déstabilisés, et donc les taux de construction et d'érosion.
Dans cet objectif, il nous faut estimer le volume de l'édifice au moment de sa construction et comparer ces données avec les données actuelles. Pour cela, à l'aide des logiciels utilisant des systêmes d'information géographique (SIG), on modélise différents stades d'activité.
Grâce à la topographie actuelle (a), on repère les zones appartenant à chauqe phase éruptive. On extrait du Modèle Numérique de Terrain (MNT) les cellules qui semblent avoir été le moins perturbées depuis la mise en place des produits volcaniques (crêtes, planèzes, contact entre 2 unités géologiquesses, etc ...). Par des processus d'interpolation, symétrie de révolution, etc, on modélise la surface topographique qui passe au mieux par l'ensemble des points sélectionnés (b). On fait cela pour chaque phase. La surface finale (c) regroupe les MNT successivement créés. Il est possible également de modéliser l'érosion de chaque surface avant la mise en place des produits suivants. Les volumes sont ici calculés par rapport au niveau marin, ou en comparant deux MNT successifs. La comparaison entre la dernière surface modélisée et la topographie actuelle nous permet de calculer le volume qui a été érodé depuis la fin d'activité du volcan. Dans notre cas, ces volumes sont des estimations minimales car on ne peut considérer que les volumes "positifs ".