Calibration des échelles Jurassique-Crétacé

P.Y. Gillot, J.F. Deconinck

 

Retour à la page d'accueil
 

 

La fraction argileuse de la plupart des roches sédimentaires contient des illites provenant, soit de l'érosion de roches variées affleurant sur les domaines continentaux (origine détritique), soit de la transformation de smectites au cours de l'enfouissement.
Dans les sédiments carbonatés du Purbeckien (passage Jurassique/Crétacé) du Jura, des minéraux illitiques ont été identifiés dans des lits marneux verdâtres probablement formés dans un environnement supratidal. Ces niveaux marneux qui présentent souvent des fentes de dessiccation caractérisent le sommet de séquences émersives. Localement, la fraction argileuse des marnes est constituée de 100% d'illite. Il s'agit de minéraux dioctaédriques, mal cristallisés, de petite taille (< 0,5 mm) qui présentent des teneurs en fer relativement élevées, intermédiaires entre celles des glauconites et des muscovites. Compte tenu du contexte sédimentologique marqué par la quasi-absence de minéraux détritiques (chlorite, kaolinite, quartz par exemple) et de l'enfouissement relativement faible (environ 1000 m) des formations purbeckiennes du Jura, ni l'origine détritique, ni l'origine diagénétique liée à l'enfouissement ne permettent d'interpréter la présence de ces minéraux illitiques. Ceci nous a conduit, sur la base d’arguments sédimentologiques, à suggérer une formation précoce de ces minéraux dans des conditions de surface par transformation de smectites sous l'influence d'alternance d'humidification par l'eau de mer et d'assèchement (Deconinck et al., 1988).
Résultats
Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons entrepris deux groupes d'analyses sur ces minéraux illitiques provenant de trois coupes du Jura méridional (Fig. 1 & 2) : 1) des datations K/Ar, 2) une mesure du rapport isotopique de l'oxygène. 5 échantillons dont la fraction argileuse est constituée essentiellement d'illite ont été sélectionnés et analysés. Les âges K/Ar varient de 122,3 ± 2,3 Ma à 136,5 ± 2,5 Ma (Tableau 1) soit du Tithonien au Valanginien (Odin, 1994) et sont par conséquent contemporains ou plus jeunes que les dépôts purbeckiens. Les valeurs de d18O des illites peu variables d’un échantillon à l’autre sont comprises entre 19,2 et 21,95‰ SMOW (Tableau 1).
Discussion
Les âges mesurés, contemporains ou légèrement plus récents que la sédimentation, confirment que les illites du Purbeckien du Jura n’ont pas une origine détritique puisque dans ce cas les âges obtenus auraient été plus anciens.
Le mode de formation envisagé pour les illites, par transformation de smectites dans des environnements supratidaux sous l’influence de cycles d’humidification et d’assèchement, suppose une température de formation n’excédant pas 50 à 60°C. La composition isotopique des eaux a été calculée pour cette gamme de température pour les compositions isotopiques extrêmes des illites. Il apparait que la composition isotopique des illites est cohérente avec une formation de ces minéraux dans des conditions de surface.

Conclusion
Les données des analyses potassium/argon et des isotopes de l’oxygène des illites confirment le mode de formation de ces minéraux dans des environnement supratidaux de plate-forme carbonatée sous l’influence de cycles d’humidification par l’eau de mer et d’assèchement. A côté des illites habituelles d’origine détritique ou provenant de la transformation de minéraux smectitiques lors de l’enfouissement, des illites (différentes des glauconies) peuvent se former en surface aux dépens de minéraux smectitiques. De tels minéraux fréquents dans les environnement de plates-formes carbonatées pourraient être utiles pour préciser les âges de ces formations dans lesquelles les marqueurs biostratigraphiques précis sont rares ou absents.

(voir détails dans: Deconinck et al., 2001)