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Evolution volcanique de l'Ile de la Réunion
P.Y. Gillot, P. Lahitte, T. Salvany, J.M. Kluska, P. Nativel

   

Les études menées sur l'île de la Réunion portent principalement sur deux aspects :

Ils ont en commun de s’appuyer sur une très bonne connaissance de la chronologique de mise en place des séquences éruptives acquises par la datation K-Ar (méthode Cassignol-Gillot).


Histoire et évolution du volcanisme de l'île de la Réunion

Gillot et al., 1994

L’Ile de la Réunion se compose de trois massifs volcaniques alignés selon une direction NW-SE qui correspondrait à un paléo-rift dans la croûte de l’Océan Indien (Michel et Zlotnicki, 1995). Au Nord-Est , le Massif de la Montagne correspond au plus ancien édifice, dont la partie émergée est datée de plus de 2Ma. C’est dans les séries d’océanites de ce vieux massif qu’ont été identifiés les évènements paléomagnétiques « Réunion ». Conséquence d’une phase de grand glissement, que l’on peut situer vers 1,8Ma, il ne reste de ce premier volcan que ce massif de la Montagnesitué à l’extrémité NW de l’île et qui domine les villes de St Denis et de St Paul.

Le Piton des Neiges

Le Centre de l’île est occupé essentiellement par un large volcan polygénique, le Piton des Neiges, qui se construit dans la dépression créée par ce glissement au Sud Est du vieux massif de la Montagne. Ses séries sub-aériennes les plus vieilles, essentiellement d’océanites, sont datées entre 1,2 et 0,45 Ma. Un stade intermédiaire de laves océanitiques à transitionnelles succède entre 450 et 340 ka. Son activité se termine par la mise en place de séries de laves différenciées datées entre 340 et 29 ka. Les laves de ces séries varient de basaltes à feldspaths et d’hawaiites jusqu’aux trachytes quartzifères et aux commendites.

L’étude stratigraphique, chronologique et géochimique détaillée (Kluska, 1997) des magmas émis au cours de cette phase a permis de proposer un modèle d’évolution magmatique à deux réservoirs. Dans un réservoir profond, le magma basaltique se différencie lentement sur une période d’environ 300 ka. Cette tendance est caractérisée par l’enveloppe des points inférieurs du diagramme. Les émissions provenant de ce réservoir profond (SP) varient dans le temps depuis les basaltes à phénocristaux de feldspaths jusqu’aux mugéarites qui marquent la fin d’activité du piton des Neiges (datée entre 25 et 30 ka, Kluska 1997). Les séries de ce réservoir profond sont caractérisées en surface par des laves riches en phénocristaux de feldspaths appelées localement les «roches pintades ».

Les produits de ce réservoir profond, de large volume, alimentent un réservoir plus superficiel et de volume plus restreint, où ils se différencient rapidement. Un réservoir superficiel a ainsi fonctionné durant au moins quatre périodes d’une durée de l’ordre de 30 ka (S1 à 4). Les séries associées sont marquées par une vitesse de différenciation beaucoup plus rapide et s’élèvent d’autant plus dans le degré de la différenciation que le produit provenant du réservoir profond qui les alimente est lui même de plus en plus différencié : si la série S1 présente une évolution qui va des basaltes aux mugéarites, la série S4, elle, est marquée par une évolution des mugarites aux commendites. La série S2 correspond, elle, à une évolution de hawaiites à benmoreites et se termine par des émissions pyroclastiques et les grands écoulements ignimbritiques du Piton des Neiges, vers 180 ka.

Modèle magmatique à deux réservoirs pouvant expliquer l’évolution magmatique du PN

Le temps de différentiation des séries, de S1 à S4, ainsi que la nature de leurs produits indiquent que les chambres magmatiques superficielles ont diminué de volume en même temps qu'elles s'élevaient dans l'édifice volcanique. Les émissions de produits du réservoir profond ont ainsi alterné avec celles des produits S1 et S2 d'une part et S3 et S4 d'autre part.

L'étude des roches pintades (SP) a permis de montrer que les émissions de ce type marquaient incontestablement des changements de dynamisme magmatique au cours du stade différencié du Piton des Neiges. En effet, ces laves caractérisent l’activité du Piton des Neiges durant les période de vacance du réservoir superficiel. On les trouve ainsi au début du stade différencié;et, dans un second temps, lors de la reprise de l'activité du volcan après une période de quiétude consécutive à la phase d’émissions ignimbritiques.

Une étude pétrographique a montré que des injections de roches pintades, dans le réservoir superficiel (série S2) seraient à l'origine du déclenchement de cette phase explosive. Cette dernière se serait mis en place au cours d'une seule et même phase, vers 180 ka. Ses produits tapissent les flancs externes du massif, mais ils fossilisent aussi une dépression centrale, ouverte vers l’est, qui correspond à un large cirque creusé dans la partie «au vent » du volcan. L’activité du Piton des Neiges terminal, qui se construit à l’intérieur de ce « paléo-cirque des Marsouins » (Gillot et Nativel, 1982), comble cette dépression. La série terminale, qui correspond au Piton des Neiges ss, datée entre 130 et 70 ka, est emboîtée sous le Coteau Mazerin et l’Ilet Patience ; formant le Plateau de Belouve et s’étendant jusqu’à Takamaka. Le comblement de cet exutoire oriental et des vallées adventives a modifié l’hydrographie et provoqué le creusement des cirques actuels (de part et d’autre du remplissage, les cirques de Salazie et de Cilaos et à l’arrière, le cirque de Mafate).

Il existe donc une étroite relation entre la nature des produits successivement émis et l'évolution morpho-structurale. Les cirques forment des dépressions au cœur desquels coulent les principales rivières de l’île, évacuant les produits de démantèlement du relief. Il sont limités par des parois abruptes de plus de mille mètres. Le taux annuel d’érosion est très élevé du fait de l’importance des précipitations sur la partie au vent de l’île (12000 mm). C’est l’importance de cette érosion qui entraine le recul des rebords de la dépression initiale et provoque la formation rapide des trois cirques (Gillot et Nativel, 1982 ; Kieffer, 1989).

Le Piton de la Fournaise

Il occupe le tiers Sud-Est de l’île et se construit en même temps que le Piton des Neiges : les deux volcans ont une évolution parallèle durant plus de 550 ka ans et sans doute au moins 700.ka (Gillot et Nativel, 1989 ; Kluska, 1997). Il est entièrement constitué de laves basaltiques et d’océanites. Volcan toujours actif, son centre d’émission actuel, le cratère Dolomieu, est situé à l’intérieur de l’Enclos Fouqué, vaste dépression en fer à cheval qui correspond à un large glissement développé au flanc du volcan bouclier (Duffield et al., 1982). En fait 3 structures de glissement, emboîtées, ont pu être reconnues ; ce sont successivement, la caldeira des Remparts, la caldeira des Sables et le rempart de Bellecombe, qui délimite l’Enclos Fouqué. Les épisodes de glissement et les phases de remplissage ont été datés (Gillot et Nativel, 1989). La répétition de ces glissements après des épisodes de construction de plus en plus courts semble rendre compte d’un déséquilibre croissant du flanc SE du piton de la Fournaise (Gillot et al., 1994).

Les rebords de ces grandes structures d’effondrement et la discontinuité entre le rebord du glissement et la série de remplissage par le volcan successif, a guidé l’érosion et favorisé le creusement de profondes vallées. Des coulées provenant de débordement de la série de remplissage, ou de cônes parasites dont la distribution est elle même guidée par les discontinuités structurelles liées aux glissements, ont partiellement rempli ces vallées (rivière des Remparts, rivière de l’Est, rivière Langevin et Vallée Heureuse).

 

 

 Aspects morpho-structuraux

Le but de notre étude est de déterminer les conditions d’édification des reliefs volcaniques réunionnais en contexte climatique contrasté afin de quantifier les volumes de produits émis et érodés au cours du temps.

Le climat réunionnais se singularise par ses grandes variabilités liées à la géographie de l’île. Le contraste concerne la pluviométrie et le vent. On distingue la côte au vent, à l’Est, directement soumise aux alizés, qui présente une pluviométrie très importante quelle que soit la saison. La côte sous le vent, à l’Ouest, protégée par les reliefs de l’île est à l’abri des alizés. Le climat y est beaucoup moins humide,.Les précipitations actuelles y varient d’un facteur 10 avec un net gradient SW-NE.


pluviométrie de l'Ile de la Réunion

Nous possédons actuellement peu de données concernant l'évolution des édifices volcaniques dans les stades de destruction à savoir : l'estimation des vitesses d'érosion, l'évolution à moyen terme des surfaces de glissement et de plus grande pente, les modifications probable du réseau hydrographique. De fait, la connaissance des taux d'érosion déterminés sur des laps de temps variant de plusieurs ordres de grandeur est une donnée essentielle pour préciser les périodes de récurrence des glissements de pente et des effondrements au flanc des vallées, et ainsi mieux contraindre l’évolution du risque volcanique. Les calculs de volumes de construction et d’érosion sont corrélés au temps à l’aide d’un échantillonnage sériés des séries volcaniques. Une part importante du projet repose sur l’exploitation de topographie numériques et une analyse chronologique absolue détaillée associant les techniques de datation des laves émises au cours du temps (K-Ar, Ar-Ar et thermoluminescence sur minéraux volcaniques) .


Les volumes d’activités et les variations en volume des laves au cours des différents stades de construction par modélisation à partir des planèzes externes, par l'observation géologique et la mesure topographique sont à définir. Il est donc important de reconnaître les structures emboîtées correspondant aux phases successives de construction présentes tant dans le massif du Piton de la Fournaise que dans celui du Piton des Neiges. Les taux de démantèlement sont déduits de la comparaison entre les volumes érodés et l'âge des coulées armant les planèzes externes des volcans ou fossilisant les paléo-fonds de vallées et des cirques. Outre la meilleure quantification des volumes globaux érodés, l’analyse des remplissages de cirques d'érosion emboîtés (exemple du secteur Belouve - rivière des Marsouins), doit fournir des points intermédiaires sur la courbe du taux d'érosion. L’analyse morphostructurale est basée sur des observations géologiques de terrain, des données topographiques (MNT), de l’imagerie (satellitale et aérienne) et de la modélisation. L'estimation des volumes érodés est compliquée par les remplissages des structures d'érosion par les produits des activités ultérieures et d synchronisme d’une partie des activité du PN et du PF.



Une mission de terrain et un échantillonnage de séquences de lave spécifiquement dédié à la contrainte des volumes de constructions et d’érosions a été effectués à l’été 2005. Nous avons en particulier prélevé en détail les secteurs de l’Entre-Deux, de Grand Bassin, d’Ilet Patience, du Massif du Cratère, d’Eden Liberia, le flanc nord des cirques de Mafate et Salazie et les flancs ouest et est du cirque de Cilaos.

Exemples de modélisation des centres erupifs successifs du Piton de la Fournaise




Cette étude a nécessité de développé une méthodologie et un logiciel de calcul et d’aide à l’interprétation