Les Excursions du Champ Paléomagnétique

X. Quidelleur, G. Guérin, J. Carlut, V. Soler, J.P. Valet, P.Y. Gillot

 

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  • L'excursion de 602 ± 12 ka (LP1)

    Nous avons identifié une excursion du champ géomagnétique dans la série volcanique LL (Las Lomadas) à La Palma (Iles Canaries). Cette série de laves superposées comprend l’inversion de Matuyama-Brunhes vers la base et présente une succession de 13 coulées ayant enregistré des directions fortement anormales associées à des valeurs relativement faibles de paléointensité jusqu’à 7 mT, 3 à 6 fois plus faibles que l’intensité moyenne du champ observée pendant la période de Brunhes (Quidelleur et Valet, 1996).

    Les datations radiométriques effectuées par la technique K-Ar Cassignol ont permis de contraindre dans le temps cette excursion. En accord avec leur relation stratigraphique, des âges de 605 ± 21 ka et de 532 ± 12 ka ont été obtenus sur les coulées de polarité Normale entourant ce groupe de directions transitionnelles. L’âge de 602 ± 12 ka obtenu sur une des coulées ayant enregistré l’excursion est cohérent avec l’âge de la dernière coulée précédant cette excursion et représente notre meilleur estimation de l’âge de cet épisode.

  • Cet âge correspond à un minimum de la paléointensité relative observé sur la compilation globale SINT800 (Guyodo et Valet, 1999) qui reflète les variations de l’intensité du dipôle pendant le chron de Brunhes. Nous pouvons donc associer cette excursion enregistrée à La Palma avec un intervalle de faible intensité du dipôle, de l’ordre de 50% de sa valeur moyenne durant les derniers 800 kyr.

    Un modèle de champ géomagnétique simple dans lequel l’intensité du dipôle est réduite d’un facteur deux alors que le champ non-dipôle conserve les caractéristiques du champ actuel peut expliquer l’apparition d’excursions dans certaines régions du Globe alors que d’autres présentent des directions apparentes de polarité Normale. Nous avons ensuite construit une base de données synthétiques constituée par le site de La Palma associé au vecteur champ de l’excursion enregistrée à 602 ka, ainsi que de 30 sites distribués sur le Globe et dont la direction et l’intensité du champ correspond aux composantes du dipôle actuel diminué de moitié superposé à un champ non-dipôle généré à partir de modèle de champ moyen du chron de Brunhes (Carlut et Courtillot, 1998). Cette modélisation, à la fois compatible avec le champ enregistré à La Palma pendant l’excursion et avec les données sédimentaires distribuées sur le Globe, montre que des directions excursionnelles peuvent être observé sur environ 1/5 de la surface terrestre alors que des directions apparemment normales sont observées ailleurs.

    Ces nouvelles données couplées à la modélisation supportent l’hypothèse que les excursions du champ représentent un des aspects du spectre de la variation séculaire du champ géomagnétique. Elles suggèrent donc qu’il existe une continuité entre la variation séculaire normale et les inversions, modelée par le rapport entre l’intensité du champ dipolaire principal et de la partie indépendante non-dipolaire qui demeure non affectée par ces variations d’intensité. 

    (voir détails dans: Quidelleur et al., 1999)


  • L'excursion de 821 ± 13 ka (LP2)

    La datation K-Ar par la technique Cassignol de coulées de lave de la coupe LS de La Palma (Ile Canaries) a permis de mettre en évidence l'existence d'une excursion du champ précédant de 30-40 kyr l’inversion Matuyama-Brunhes.

    Les âges obtenus s’échelonnent entre 825 ± 14 ka pour la coulée inférieure Inverse et 698 ± 10 ka pour la première coulée Normale. L’âge de 821 ± 13 ka obtenu pour une coulée transitionnelle (LS 118) apporte la première évidence volcanique pour l’existence d’une excursion survenue environ 40 kyr avant la transition. Cette excursion, associée à une faible paléointensité absolue de 8 mT à La Palma, est également identifiée par des minima de l’intensité relative enregistrée dans les sédiments océaniques.

    Le nombre croissant d’excursions bien datées, telle que celles présentées ici, montre que ces événements sont des phénomènes courants de l’évolution du champ géomagnétique pendant les périodes stables de polarité. Cependant, l’identification de 1 ou 2 états excursionnels entre 820 et 790 ka conjugués avec une paléointensité moyenne faible révélée par les sédiments océaniques, suggère que des conditions favorables à l’inversion Matuyama-Brunhes ont prévalu depuis 30 – 40 kyr.

    Cette étude souligne l’importance des contraintes chronologiques détaillées pour mieux décrire l’évolution du champ géomagnétique entre un état stable de polarité vers un changement de polarité.

    (voir détails dans: Quidelleur et al., 2002)